Un dé-chiffrage, par olirip

C’était une fin d’après-midi de juin à Montpellier, caniculaire. Mon programme de révision était déjà bien entamé depuis quelques semaines et le « taupin » voulait sortir de son terrier… Direction le centre ville, la Place de la Comédie et la librairie, mais cette fois, je ne monterais pas au troisième étage, rayon math, je m’arrêterais en chemin. Je voulais faire autre chose, me dégourdir l’esprit, lire quelque chose d’autre…

J’ai toujours cru que l’on pouvait bluffer un analyste. Je pensais qu’on pouvait rejouer avec lui le « vol au dessus d’un nid de coucou » ou la « guérison des Dalton », mais sans Lucky Lucke. C’était mon opinion si le sujet de la psychanalyse était évoqué dans une discussion, comme on a une opinion sur l’actualité, la politique ou le sport. En même temps, je ne niais pas que cela pouvait marcher, si on jouait le jeu, et je n’étais pas si mordu par la science, la vraie, pour dénigrer tout ce qui la dépassait.

Ma curiosité me poussât donc ce jour là au rayon Psychanalyse, d’où je sortis avec « Introduction à la psychanalyse » de Freud et un petit livre, type « Que-sais-je ? »,  histoire de me faire une idée rapide sur la question. Pauvre naïf, à peine as-tu plongé tes yeux dans ces lignes que tu peinais à en sortir ! J’ai lu avec enthousiasme, sans pudeur, sans résistance. Les jours passaient et ma bibliothèque se remplissait des petits livres bleus, marrons ou rouges de Freud. C’était le moment de détente : « je lis ce chapitre et après, je travaille »… Dans mes lectures transverses, le nom de Lacan était évoqué, souvent pour dire que c’était difficile à lire, à comprendre. Je crois que ma rencontre avec Lacan se situe là…

Peut-être mon scepticisme refaisait-il surface, mais je me souviens que c’est justement parce que c’était dur, que ce n’était pas conseillé à un débutant, que j’ai immédiatement décidé de lire Lacan, par défi. Pauvres révisions ! Je me dispersais à tout vent ! Mais deux semaines après mon premier Freud, j’achetais le livre un du séminaire, logique, et les Écrits en poche. J’ai tout lu, en peu de temps je crois, fasciné par tout ce savoir, cette érudition dont je ne soupçonnais pas l’existence, en aucun lieu. La linguistique ? Mais qu’est ce donc ? Hegel ? … ?  Des mathématiques ?  Formidable ! Des graphes, des concepts ? yes please!

Mon enthousiasme n’a jamais vraiment faibli, je me souviens d’ailleurs de l’année scolaire qui suivit ce mois de Juin, toujours en « prépas », où je rentrais chez moi à midi pour lire le livre dix-sept du séminaire et où jamais je n’ai travaillé avec autant d’efficacité, à la fois mes cours et mes lectures. Je n’ai pas pour autant abandonné les mathématiques bien sûr, je dirais même au contraire…

Presque quinze ans après, je crois que je lisais tout cela comme une bande dessinée où je faisais moi-même les dessins, griffonnant, annotant, schématisant ces belles pages. Je me souviens encore de mes classeurs de cours où la marge était remplie de phrases, de mathèmes, issus des livres de ou sur Lacan, sur lesquels j’essayais de mettre un sens. Plus tard je repenserais à ce moment en lisant ce que Lacan disait du déchiffrage… D’ailleurs, en me faisant sortir le nez de mes mathématiques, ne m’avait-il pas dé-chiffré ?

olirip

3 Responses to Un dé-chiffrage, par olirip

  1. […] blog est né hier, après avoir publié mon Dé-chiffrage, sur Twitter. Vous avez été assez nombreux à vouloir raconter aussi votre rencontre et la […]

  2. Violaine C dit :

    Cher Olirip,

    C’est très beau, votre lecture du déchiffrage.
    Merci de l’avoir transmis.

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